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Serge July s’en est allé, il a démissionné du journal qu’il avait participé à créer en septembre 1972, avec JP Sartre et quelques autres. Une entreprise de presse qu’il a construit jusqu’à ce qu’elle compte plus de 1000 salariés, un vrai navire qui a traversé bien des creux et des vagues. 29 juin 2006, fin de l’histoire mêlée Libération/July, désaccord avec l’actionnaire, démission pour laisser à d’autres le soin de faire évoluer ce journal, après un tiers de siècle à la barre. July n’est pas une vache sacrée, tout juste une balise dans le paysage médiatique français, un homme vrai qui sait lâcher prise.

 

Allez savoir pourquoi, son départ me touche. J’ai été abonné à Libé, je m’en suis détaché pour des noces avec le Monde qui ne me satisfont pas, j’y reviens de temps en temps. Un vrai régal que de savourer Libé un samedi matin, avec un bon café à la terrasse du coin…

 

 

Merci Serge, qu’en claquant la porte, tu nous invites à réfléchir à la problématique médiatique en général, et à celle de la presse quotidienne payante en particulier. Avec le bouleversement d’internet, c’est tous les quotidiens généralistes payants dans le monde qui doivent réinventer leur business modèle.

 

 « L'ère du numérique a créé un nouveau monde qui bouleverse l'ensemble de l'industrie médiatique, son économie comme ses usages. L'ensemble des médias est secoué par une recomposition dont les nouveaux centres de gravité s'appellent l'Internet et le mobile. Tous les médias généralistes d'informations baissent depuis plusieurs années : la presse quotidienne payante évidemment, mais aussi les radios et même la télévision. »

 

C’est ainsi, le modèle économique de la presse est en ré-invention permanente, il nécessite des investissements importants et une force capitalistique stable. Les recettes diminuent, avec moins d'exemplaires vendus et donc moins de publicité. Plus question de compter sur les seules ventes en kiosque pour financer les coûts, qu’on essaie de réduire par ailleurs (les cost killer sévissent à tous les étages).

 

La presse généraliste de qualité coûte, c’est un fait inéluctable. Avec beaucoup de journalistes, des spécialistes en grand nombre, des envoyés spéciaux et des réseaux de correspondants, est la plus chère à produire, que de reproduire et broder autour de news tombés du fil d’AFP, de Reuters, ... comme le font les gratuits. La presse quotidienne nationale payante coûte finalement peu quand on constate au combien elle est précieuse et indispensable. Elle ne relève pas seulement d'un "marché", mais d'une nécessité sociale, culturelle et politique.

 


Et puis il y a l’homme, l’homme d’hier, avant-hier, d’aujourd’hui, qui a traversé 3 décennies et nous avec, au fil de ses éditos, des (r)évolutions de Libé… On aura pu analyser l'évolution de l'homme par l'étoffe, «Du costume Mao au costume trois pièces», des blondes aux cigares ou à sa coupe de cheveux, Serge July a su rester le garant des journalistes libres.

 

Liberté. Possibilité d'écrire sans contrainte, sans pression, sans autre mise en demeure que celle de la rigueur journalistique. Et juste pour ça Serge, c’est énorme. Rédacteur en chef, directeur de la rédaction, gérant, président-directeur général, un vrai boulimique de travail au service d’une passion et des idées.

 

La réussite d'un journal, c'est la rencontre d'une personnalité, de moments de l'histoire et d'un public. Serge July est passé de la révolte sans rivages à une sorte de réalisme, semi-libertaire, non-dénué de contradictions. Il a inventé un journal qui a changé en même temps que la société.

Tag(s) : #heloim.sinclair
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