J’en ai pris conscience alors que je venais de passer vingt neuf ans. Quel age devrais je fêter à mon prochain anniversaire ? Question imbécile me direz vous, car après vingt neuf, c’est simple et mathématique, irréfutable : trente.
Avoir trente ans et trois cent cinquante mille ans, ça change quoi ?
Ce qui change, c’est d’avoir trente ans aujourd’hui, dans une civilisation contemporaine qui se développe en dimensions virtuelles de plus en plus prégnantes, et qui se saccage un peu plus tous les jours dans sa chair réelle. Il est l’heure où l’humanité, enfin la partie égoïste, celle des pays les plus « avancés », s’emploie systématiquement à détruire son seul habitat originel. Avoir fait toute cette longue route pour en arriver là. Englué dans les conservatismes, berné par la télé et les fausses promesses que l’on nous sert à tout va, sans jamais aborder réellement les problèmes qui nous touchent au fond. La maison brûle dit le pompier pyromane...
Je ne suis pas responsable du passé d’avant moi, aucune peine à porter de ce côté-là. Je m’en souviens, c’est tout. Holocauste, génocides, croisades, esclavage,… l’héritage de l’humanité irrigue mes influx nerveux et cristallise dans la connaissance. Je ne fais que continuer le chemin inexploré de mes prédécesseurs, sans pouvoir embrasser leur présent que j’ignore, et qui me manque terriblement.
Bien sur, il y a la réalité, ce fameux principe de réalité. Le smic à moins de mille euros, le taux de chômage, les papys boomers occidentaux égoïstes, les lobbys, l’administration, les économies, l’une réelle et l’autre virtuelle, le commerce équitable ou non… Mais la réalité n’est pas un état de fait, une image, elle est ce qu’on fait de la matière du présent. Pour l’homme individuellement comme collectivement, la réalité est la somme des actes et le produit des rêves. Et si la réalité du monde ne nous convient pas, il n’y a d’autres solutions que d’essayer de la changer, à son échelle, dans sa sphère d’influence, au quotidien.
J’ai trois cent cinquante mille ans d’espoir et d’évolution derrière moi, et à cause de cela, je ne peux me résigner. Même dans un monde absurde et dégénéré, fabriquer du sens et agir restent essentiels.
Trentenaire joyeux et insouciant, vraiment ? Pour partie oui, car il a bien fallu développer des anticorps comportementaux pour s’élever dans le monde anxiogène. Et même si la guerre est restée cantonnée à nos frontières, pour ne se déverser que par intrusion, en bandes images-sons scénarisées et brute d’images télé. Il y a (eu) le reste : sida, chômage, Tchernobyl, violence, pollution, écroulement du communisme, impasse du capitalisme quand la spéculation devient virtuelle pour une misère par trop réelle, …