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« Enfer ou Ciel, qu’importe ?
Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau » -
Baudelaire

 

C’était dimanche dernier en rentrant de Pékin. Minuit, j’allume la radio. France Inter confirme et complète les nouvelles du taximan, la France a dit « Non ». Plus de traité constitutionnel, plus de nouvelles règles adaptées pour mieux nous organiser. On en reste au système sclérosé, celui qui produit du mécontentement.

Avec une double perte immédiate, au niveau européen et national :

- la régulation et l’intégration politique de l’Europe repoussées à des calendes indéterminées, les marchés financiers et les grandes chancelleries nous regardent amusés de notre auto sabordage. Ils savourent leur victoire sans gloire. Exemple flagrant de l’écologie de l’action, le camp du Non a moissonné sur les champs de l’utopie sociale et l’ancrage nationaliste face à la mondialisation, promettant d’obtenir plus de social pour la France dans un monde libéral, en disant Non. Et nous récoltons d’être maintenant affaibli face au libéralisme des marchés, et moins crédible sur la scène internationale. Le social et le politique ne sont restés que virtuellement gravés dans le marbre, les tables de la sociale démocratie européenne sont en miettes. Pour 5 ou 10 ans encore (optimiste ?), engoncés dans une posture difficile sans pouvoir véritablement agir ensemble pour faire face aux problèmes globaux… Ajouterais-je qu’avec la discussion et les arbitrages budgétaires de l’Union qui commencent en cette période troublée, sans élan, sans projet politique, sans légitimité sociale, les réponses apportées ne seront pas à la mesure des enjeux… L’arrogance du non français (en particulier celui de gauche !), va faire que l’Europe sera à deux vitesses, avec une solidarité parcimonieuse envers les nouveaux pays arrivés dans la famille. Et en l’absence de fonds structurels à un niveau suffisant, ces derniers n’auront d’autres choix que de jouer la carte du libéralisme pour faire valoir leur avantage compétitif, se développer, … et y entraîner l’europe.

- pour notre nombril, au niveau national, ce sont deux années d’inertie, de ni-ni, qui vont se dérouler sur un champ de batailles électorales. Un nouveau gouvernement qui marie la carpe et le lapin, et à tous les niveaux, des couteaux qui sont sortis en vue des prochaines échéances électorales. Cette guerre fratricide (à l’intérieur des camps et entre les camps) va essayer de solder les comptes des dernières élections (présidentielle, municipales, régionales, et traité constitutionnel) pour faire gagner son clan aux prochaines. N’en attendez rien de concret ni d’efficace, la période qui commence va être faite de gesticulations et de coups bas. En aucun cas, un soucis permanent de l’intérêt général, avec une articulation intelligente des synergies de compétences et de budgets entre l’Etat, les Régions, les Départements, et les agglomérations/villes, … bien au contraire. Ces institutions vont servir de bastions, de points d’ancrage, pour torpiller, ralentir, alourdir, les projets de ces adversaires.  Vous railliez contre le système, les élites, l’inopérance de notre système politique, économique et social, vous souffriez du chômage, de la discrimination, … ? et bien, tout cela va continuer, en pire !

 

Quand on rentre du bout du monde, c’est la claque, l’incompréhension, … J’essais de d’analyser les raisons du non. Des nationalistes aux effrayés du plombier polonais, des propos lénifiant au populisme écoeurant, à la responsabilité du camp du oui de n’avoir pas réussi à dessiner et à faire vivre ce rêve d’Europe. J’entends aussi que beaucoup ont répondu à une autre question que celle qui était posée. Que cela a fait basculer l’élection, que leurs problèmes nationaux primaient sur le dessein européen, qu’il y avait de la revanche dans l’air, que le peuple français n’allait pas être avalé tout cru par cet ogre libéral et mondial … A force de ne jamais aborder les questions complexes, de n’admettre que le monde change (avec et sans nous), de ne se reformer pour adapter notre modèle/contrat social, … la France écoute la douce chanson dogmatique de l’extrémisme, et l’on dérive dans le monde sans projet réaliste ni modèle adéquat. Loin de moi l’idée de refuser la démocratie et le désaccord avec le modèle néo-libéral, de solder la solidarité … C’est le résultat qui compte ! La France a dit Non, avec toutes les conséquences pour le recul social et politique, pour eux même et les autres européens. Ça veut encore dire quelque chose d’être de gauche ?


C’est Churchill, je crois qui disait que « face à un évènement, il faut le prendre par la main avant qu’il ne vous prenne à la gorge ». Si ce Non est un coup lourd, il en faudrait plus pour assommer et mettre KO l’espoir d’intégration. S’il y a beaucoup de raisons d’être inquiet, de regretter ce manque de confiance pour se projeter dans un futur angoissant, de dénoncer l’absence d’imagination et de dialogue … il reste des points d’appui :

1/ L’histoire de l’Europe en marche nous apprend que nous avons toujours fonctionné par crises pour les dépasser. Celle-ci sera sans doute plus difficile à négocier que les précédentes, mais l’Europe adulescente s’en relèvera, au moins par nécessité vitale (la mondialisation et les problèmes ne nous attendent pas).

2/ La trajectoire de l’histoire, les 24 autres nations, les institutions actuelles qui fonctionnent tout de même, … l’Europe n’est pas morte le 29 mai, c’est juste son idée d’aller ensemble plus loin et plus vite, qui est accidentée. Espérons que l’on sauve la paix, le politique et le social sont en réanimation…

3/ Il y a des forces vives, sociales, culturelles, économiques, qu’insupporte l’insularisme national. Leurs dynamiques sont fécondes, engendrées par le penser et le faire ensemble, nourries par la richesse de l’échange. Il va falloir qu’elles progressent, se développent, s’étendent, pour redéfinir un projet européen de vie commune auquel les français pourraient dire oui.

 

Revenus du Non, nous en sommes là, à devoir reconstruire une proposition pour l’avenir. Il ne faut pas faire l’économie et c’est même urgent, d’un débat sur les fins de l’Union. Cet exercice indispensable doit contextualiser notre action et notre engagement. Non plus dans l’immédiat du marché et de la consommation, pour ou en réaction au libéralisme. Mais pour la refondation d’un modèle de vivre ensemble, humblement universaliste, connecté à la réalité du monde et à ses problèmes.

La paix, la cohésion sociale, la liberté individuelle, le développement d’une culture commune, diverse et métissée. Un système éducatif qui autorise tant l’érudition, que l’intelligence des mains et des sens. Une recherche scientifique et humaine performante qui se développerait avec une connaissance de la connaissance. Un développement économique et technique écologique, … dans un mouvement intégrateur qui respecterait les différences en dialogue avec l’unité du tout en construction.

Voilà quelques unes des fins que je verse au débat sur l’europe. Depuis des années, en Europe comme en occident, toutes nos forces et notre intelligence sont concentrées sur les moyens. Le texte du traité constitutionnel n’était qu’un oripeau de cette focalisation de l’immédiat, qui expédie le pourquoi pour ne traiter que le comment. Au risque de compromis fragiles et boiteux.

 

Il est temps de se mettre à débattre sur les fins de l’Union. Nous en avons besoin, pour définir le cap, rencontrer l’adhésion des citoyens, penser notre action politique. Si cet exercice est à la fois salutaire et indispensable pour l’Europe, le monde en a aussi besoin. Malgré notre « force » relative face à l’Amérique, la Chine, l’Inde, … cela nous grandirait et nous repositionnerait dans la géopolitique du globe.

Chers amis européens, retrouvons nous

Tag(s) : #heloim.sinclair
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